Bukowsi est mort mais il se lève de son linceul pour regarder insensible le monde qui l'entoure.
Il prend vie rapidement délivrant ses textes sans détour. Oldan n'a aucun mal pour rentrer dans le personnage, les verres de bière et le vin aidant. Il se libère et plonge dans les textes de l'auteur avec une frénésie et l'aide de l'alcool. Comment ne pas trahir un auteur comme celui là qui s'est fait une réputation en France lors de sa participation à « Apostrophe » de Pivot . Quel moment unique où un auteur boit ses trois bouteilles de vin en direct et une fois saoul doit quitter le plateau sous les injonctions des autres participants. On n'avait jamais vu cela, ce comportement hors norme, cette dérision, ce refus des codes et des conventions. On ne le reverra plus non plus.
Oldan qui investit le personnage ne le fait pas à moitié, il est ce Bukowski désabusé, refusant de s'inscrire dans les faux semblants, dans le paraître, dans le formatage organisé.
C'est un être brut, un être sans concession, nature, bien dans ses bottes, qui fait sa vie comme il veut. Oldan garde tout le souffle, la puissance et place son verbe haut, très haut, verre après verre. Il faut du courage pour tous les soirs entrer dans le personnage ainsi.
Et de verre en verre il dit du Bukowski, poésie ravageuse, abrupte. Textes sur l'alcool, l'écriture et le cul, ses trois domaines de prédilection, les trois domaines dans lequel il vivait et s'épanouissait.
Bukowski n'avait qu'un seul rêve, se retrouver pour ses quatre vingt ans dans un lit avec une jeune fille de vingt ans...rêve qu'il n'a pu réaliser il a quitté la terre avant cet âge .
On ne peut tout faire même si on est très entreprenant.
Bukowski a laissé une œuvre mais surtout un personnage qui plane au-dessus des lettres comme un bouffon perdu dans les limbes. Bukowski c'était avant tout cela un personnage hors du commun.
Merci à Oldan pour cette interprétation qui nous fait côtoyer cet auteur unique l'espace d'un soir.
Jean Michel Gautier
AUTEUR Oldan
MISE EN SCÈNE Daniel Olive, Roland Abbatecola
CRÉATION VISUELLE Léo Sam
INTERPRÈTE Oldan
"Boire, baiser, écrire (un air de Bukowski)" : 'un air de ...', seulement ? Car Oldan semble être Bukowski tout comme Bukowski semble habiter Oldan, dans cette mise en scène présentée depuis plusieurs années déjà au Festival Off d'Avignon. Une création de 2015 exactement, une expérience anarchique ... du choix de structurer le récit dans un désordre apparent sans doute.
On imagine bien que chacune des représentations puisse être unique tant le comédien personnalise sa prestation. Une révolution à chaque fois je suppose, tant celui-ci ne semble pas être du genre à se plier à des habitudes ... il ne jouerait pas la même pièce depuis si longtemps si ce n'était pas le cas.
'L'homme inouî', une création du Off d'Avignon pour l'édition 2017, également présentée cette année, marque aussi une remise en cause de l'humain, une rébellion contre un état, une nature non choisie, subie, dans un registre différent.
Ainsi Oldan "l'anticonformiste, celui qui ne se satisfait jamais d'un état", nous revient-il en 2022 avec trois de ses spectacles, dont un acoustique.
Ce dernier est réalisé à partir d'un enregistrement en live 'Scène occupation' sur la période de pandémie.
Et que dire de Bukowski dans tout ça ! Bukowski, le réfractaire désabusé, torturé, à la fois hussard et soudard, l'a-social, celui pour qui la vie se résumait en idéal à 'boire, baiser, écrire'. Le mal parti dans la vie, mal aimé, malappris, qui prit un chemin de traverse dès qu'il put, fit sa vie comme il la voulut, et suivit la voie tracée jusqu'à la fin ou presque, avec en ligne de mire un seul objectif : écrire. Bukowski, grand lecteur de Camus, Dostoïevski, Céline, ... : l'amateur de musique classique qui écoutait Mahler, exclusivement.
Bukowski écrivait sur tout, nouvelles et poésies essentiellement : la pauvreté, la misère des Hommes exploités, la déchéance sociale, l'exclusion, l'abandon, le désespoir, l'horreur de soi-même ...
Il écrivait aussi sur l'amour, à sa manière : malsaine, vulgaire, provocatrice, destructrice de l'autre et de soi, avec son dédain du conventionnel ... mais sur l'amour quand même.
En finalité, de tout cela, il extirpa une œuvre acquise aujourd'hui comme celle d'un Grand, dans son réalisme crû, dans laquelle transparaît parfois des nuances plus colorées, des éclats de beauté. Et là alors, c'est merveilleux !
Oldan à son tour, comme Bukowski interpelle son lecteur, interpelle son auditoire, comme il interpelle, fait intervenir son technicien, dans un face à face, un direct, une provocation même parfois ... Une évidence : tous deux aiment ça, en ont besoin, se nourrissent de ces échanges.
Ainsi, ce qu'est Bukowski, Oldan l'est sur scène, assis sur une chaise dont il se lève une ou deux fois, verre à la main tout le temps ou presque : bière, vin, whisky ... Pourtant il l'a bien dit : pas d'alcool fort! ... ça fait perdre la tête et puis surtout, on en boit moins ! Car la soif est là, tout le temps.
Il y a aussi ses papiers, ses histoires qui le guident : un vieux film, de vieilles diapo, des photos, des dessins et des caricatures, des vidéos... qui nous racontent Bukowski, que nous connaissons déjà, plus ou moins bien. Oldan interprète parfaitement l'écrivain hors normes. On l'imagine très bien aussi en Beaudelaire, Hemingway, ... bien d'autres encore. Cette peau d'homme usé par les excès lui va comme un gant.
On aime ou on déteste, l'un et/ou l'autre ; nulle place à l'à peu près. C'est cru, vulgaire, alcoolisé ; la voix du comédien, un peu grave et éraillée, touchante, captivante, se prête à merveille au rôle.
Mais il faut bien se le rappeler au final : Oldan n'est pas Bukowski! On l'oublierait aisément tant le jeu est percutant, confondant.
"Le problème dans ce monde, c'est que les gens intelligents sont pleins de doutes alors que les gens stupides sont pleins de certitudes".
La meilleure citation de l'écrivain, sans aucun doute, pour clôturer cette mise en scène de la philosophie de Bukowski, cette heure suspendue aux lèvres de l'artiste.
Oldan, un sacré personnage ? À voir et à entendre assurément, pour s'en faire une idée.
Cath - L' Art de CATH - (Sélection Sorties)
Du 07 au 31 juillet, *Oldan sera au Festival Off au Sham's place Pie à Avignon avec 3 spectacles par jour. Rendez-vous à 19h30 : « L’Homme inouï »,
21h : « Scène occupation », 23h15 : « Boire, baiser, écrire (un air de Bukowski) ».
*Oldan dit l' Ange Noir véritable état civil Daniel Olive, est né en 1960 à Paris, il est chanteur, parolier, comédien et auteur de théâtre français (cf wikipedia).
AUTEUR Oldan
MISE EN SCÈNE Daniel Olive, Roland Abbatecola
CRÉATION VISUELLE Léo Sam
INTERPRÈTE Oldan
Entretien spontané avec Oldan
Quelle journée mes amis, cet après midi un Koltes, et ce soir Bukowski qui nous raconte sa vie, et ses pensées, accompagné de son meilleur ami l'alcool.
Bukowski n'a pas pris une ride depuis 2017 et moi non plus. Un vrai plaisir de l'entendre parler de sa vie, de ses pensées sur le quotidien, Il boit oui, il boit mais quel talent ! oups je ne fais pas de la pub pour le vin, non. Mais quand il s'agit de Bukowski, c'est sa deuxième personnalité, et c'est ce qui fait que l'on aime. Oldan est un vrai comédien qui se confond avec son personnage. Nous sommes en 2022, et j'ai toujours et encore aimé ce spectacle. Merci à la troupe, merci à Dominique Lhotte. A très vite sur la théâtrothèque pour un vrai article. Et comme dit Bukowski, je serai telle que je suis, sans far, nature et franche. Une belle journée.