Théâtre Au bout-là-bas
23 rue Noël Biret
84000 AVIGNON
06 41 30 53 27
Roman de Raymond Cousse
Cie de l’île Lauma
Un corps allongé sous un drap blanc s'éclaire ... D'un seul coup il se relève. Il, c'est Laurent Mascles, seul interprète de ce monologue mis en scène par Serge Irlinger, qui émerge de ce linceul avec l'air canaille d'un enfant de 10 ans ayant fait une bonne blague. Dans l'esprit rural des années 50, vêtu de godillots, d'un pantalon court, des chaussettes et du petit pull qu'a tricoté sa mère, il va nous propulser dans des scènes d'enfance qu'ont connu ceux et celles qui ont eu le même âge à la même époque, pour peu qu'ils aient vécu comme eux à la campagne. Vont s'enchaîner ainsi des scènes de vie quotidienne vues par un enfant et son copain Marcel, celles qui créeront leur complicité et leur lien affectif. Du drôle, du sérieux, du sensible.
C'était l'époque où la sexualité se découvrait par un trou de serrure ou l'entrebâillement d'une porte, dans des toilettes de cour d'école, des revues coquines cachées dans des greniers ... où la mort humaine ou animale faisait partie de la vie courante, arrachant des larmes ou pas... où l'instituteur représentait la République et l'ordre, imposait le silence et les punitions, ... où le prêtre enseignait la catéchisme, expliquait le Paradis, la Vierge Marie et l'âme, privilège des Hommes ... (Ah bon! Les cochons d'Inde n'en ont pas ?)... et la mort, encore elle, celle qui ne vous concerne pas et celle qui vous touche de près, vous affecte à jamais.
Impossible de ne pas faire de rapprochement entre les deux romans, Enfantillages de Raymond Cousse, paru en 1979, et La guerre des boutons de l'écrivain franc-comtois Louis Pergaud datant de 1912, et de ne pas associer ces 2 enfants à Petit et Grand Gibus, que chacun d'entre nous connait. L'histoire est très bien menée, le jeu parfait. La mise en scène est étudiée et aboutie. Le moindre geste, le moindre mot sont pensés, réfléchis, à la mesure du roman, rédigé avec une précision d'orfèvre. Les personnages principaux sont deux enfants naïfs, drôles et attachants, un brin canailles, à cheval entre la soumission et la révolte. Ils s'opposent à des adultes autoritaires voire cruels, cyniques, parfois absurdes, découvrent avec eux l'injustice des hommes et de la vie.
Ce récit nous percute forcément ou nous touche tout au moins, selon que l'on a vécu ou pas notre enfance à pareille époque. Il ne peut en aucun cas nous laisser indifférent.
À voir absolument jusqu’au 15 août 2020. Théâtre Au Bout Là-bas à Avignon.
Catherine GIRAUD