Entretien avec la Troupe
Quand meurt la mère après le père, que les enfants se retrouvent auprès de la mourante et cherchent à comprendre ... ce qui a pu être imaginé durant l'enfance, les réalités, les non-dits, les mensonges, ce que cela induit et provoque entre la sœur et le frère devenus orphelins ... bien des choses refont ou font surface.
C'est une situation tragique que l'auteur choisit de prendre pour point de départ, bien avant le décès de la mère : celle du père, un suicide plutôt qu'une mort banale, voire un assassinat, qui sait ... Viennent aussi à son esprit Electre, dans la mythologie grecque, et la pièce de Jean Giraudoux, du même nom ... puis le décès de Bernard Loiseau, grand chef cuisinier étoilé devant l'éternel.
Tout cela s'associe, s'imbrique alors et prend sa place ; la toile se tisse peu à peu... Il en naît enfin cette pièce étonnante : Heureux les orphelins.
Vraiment heureux Electre et Oreste, ce dernier absent depuis longtemps, revenu depuis peu ? Heureux, du départ de cette mère éloignée, qui n'aura pas su les aimer, choisissant de se concentrer sur le restaurant devenu célèbre, dont elle voulut poursuivre la gestion avec Egisthe, embauché pour œuvrer en lieu et place du mari et devenu son amant ?
Quand la politique s'en mêle, la religion et la médecine aussi, la pièce prend un virage à 180 degrés. Ce qui pouvait paraître de la légende devient bien réel : mort, trahison et mensonge familiaux s'effacent devant les discours des médecins, religieux, politiques de tout bord prêchant le vrai du faux, et 'vice'-versa, selon ce qui leur semble le plus favorable. L'hypocrisie est à son comble.
Le texte de la pièce est dense, riche en psychologie, philosophie, philologie, politique, rapports humains sincères, trompeurs ou trompés par des discours vrais ou mensongers. C'est formidablement bien mené dans un enchaînement incroyable de contextes, de personnages, d'échanges verbaux ... jusqu'à une fin plus apaisée dans laquelle sensibilité et émotion atteignent leur paroxysme chez une Electre devenue plus sereine.
Heureux les orphelins : à retrouver au mois de juillet 2023 durant le #festivaldavignon, toujours au théâtre de L'Oriflamme à Avignon où la @CompagnieHorsduTemps fut durant une semaine en résidence.
Avec Jean-Baptiste Germain Matthieu Le Goaster Paul Martin Cindy Spath Maou Marie Tulissi, des comédiens épatants, étonnants, bouleversants... criants de vérités.
Cath. L'Art de Cath
Théâtre de L'Oriflamme
3-5 rue du portail Matheron
84000 - Avignon
« Les mythes – comme tout ce qui vit – ont besoin d'être irrigués et renouvelés sous peine de mort », écrit Michel Tournier dans Le Vent Paraclet.
Giraudoux avait donc déjà irrigué le mythe et à présent dans un élan magistral Sébastien Bizeau nous sert une Électre du XXI° siècle engluée dans le jargon des politiciens mais fer de lance d’une critique bien menée..
Texte et situations très amusants, décalés, ironiques… on vit une Électre bien loin des classiques, on est dans les entrailles du pouvoir là où les mots prennent un autre sens, là où le vocabulaire de l’Ena recolore les situations, donne un nouveau sens et de nouvelles perspectives.
Si Giraudoux avait déjà apporté une dimension comique en contrepoint du récit tragique, jouant sur les décalages de langages, Sébastien Bizeau a porté bien plus loin encore l’aspect décalé par son langage appliqué de cabinet ministériel.
On est pourtant dans une tragédie, une femme, la mère d’Électre et d’Oreste est en train de mourir et l’on se bat pour des discours de salon qui doivent atterrir sur le bureau du ministre. Là volent en éclats tous les rêves, tous les espoirs, le rouleau compresseur des mécanismes politiques se met en marche et avance.
On a le sentiment qu'Électre se débat mais face à elle il y a un mur infranchissable, un autre langage, comme une autre société verrouillée par Égisthe, le ministre mais aussi le médecin et le prêtre interprétés par le fabuleux Jean Baptiste Germain, qui sont comme une même voix. Face à cette « pression » un autre discours, celui de Pylade et du serveur, du psychologue du notaire et du cuisinier interprétés par un merveilleux Paul Martin.
Cindy Spath quant à elle va tous azimut avec bonheur dans des personnages bien différents allant entre autre d’une journaliste à une employée du funérarium.
Maou Tulissi dans le rôle-titre peut-on dire, déroule avec soin un personnage plein de sensibilité ainsi que Matthieu Le Gloaster qui donne un bel éclairage au personnage d’Oreste tout au long de la pièce.
Une très belle distribution pour une pièce fort bien écrite qui nous mène dans les arcanes du pouvoir.
Salle comble, public conquis se manifestant par de longs applaudissements... Un très beau moment de théâtre à ne pas laisser passer.
Jean Michel Gautier
Voilà une adaptation brillamment inspirée d ' Electre de Jean Giraudoux , qui explore avec une justesse saisissante le poids des non-dits , la déviance maternelle et son emprise, la trahison et la vengeance.
Une création originale et bouleversante qui transpose le mythe d' Electre et Orestre au coeur de l 'actualité et de la politique entre dénonciation sans filtre sur les coulisses d ' un ministère, la puissance des lobbys et le scandale du glyphosate.
De l 'écriture à la mise en scène et à l' interprétation parfaite des comédiens, " Heureux les orphelins " est une pièce résolument magistrale.
Sophie Martinez
CRÉATION Sebastien Bizeau
COMEDIENS Jean-Baptiste Germain , Matthieu Le Goaster , Paul Martin, Cindy Spath, Maou Tulissi.
COMPAGNIE Hors du temps
CONTACT PRESSE Dominique Lhotte 06 60 96 84 82
THÉÂTRE L' Oriflamme