Franck est seul dans ce bar encore ouvert au milieu de la nuit , où seule une musique aux accents africains l'accompagne. Dehors, une pluie torrentielle à ne pas laisser un chat dehors.

Franck, derrière son zinc, boit, range, grogne. Il a des allures de capitaine d'un cargo revenu de tous les voyages, un peu usé, un rien fatigué, l'air désabusé. Le bar des mimosas, un nom aux allures de gardiens paisibles, qui évoque le soleil, le miel et la vanille donne pourtant envie de s'y poser.


Soudain, une jeune fille entre, elle veut boire un verre, se réchauffer, elle cherche du travail. Franck la rabroue, elle le dérange, il veut être seul.


Peu à peu une mosaïque d'échanges contrastés, des bribes de vie graves ou banales se dessinent, prenant peu à peu toute la place. Comme une horloge qui d'un coup s'accélère, nous intégrons l'intimité des personnages et leurs pensées. S'engage un huit clos entre ces deux dont on ne sait pas grand-chose. Ils se heurtent, s'explorent et s'égratignent jusqu'au bord du gouffre. Quelle issue cette partition va-t-elle trouver ? Ce rythme fait de silences et de paroles anodines qui basculent soudain, nous happent, chacun cachant ses secrets et ses fêlures, où la tension devient palpable et ne se relâche pas. L'écheveau de leur vie aux portraits complexes se déroule et se dénoue et nous entrons dans leur intimité comme coupés du monde.


L'Afrique est présente, Franck la connait bien, une Afrique déchirée, rebelle et digne où il a vécu autant le pire que le meilleur, il en reste imprégné même si le temps a passé...

Les comédiens distillent par leur jeu une tension et une pression psychologiques palpables en permanence, la situation pouvant basculer à n'importe quel moment, sans jamais deviner l'issue surprenante.


Jean David Stepler et Marie Ronarc'h ont une forte présence, ils sont si sombres et si lumineux que l'on ne voudrait plus les quitter. On ne voit pas des comédiens mais des personnages, instants magiques que l'on aimerait trouver plus souvent dans le théâtre.

Du beau travail qui nous permet de savourer l'écriture soignée et riche de sens de Grégoire Aubert, un texte poignant, et deux comédiens stupéfiants de sincérité. Une monstrueuse histoire racontée avec beaucoup d'émotion où des pointes d'humour surgissent et font mouche.


La scénographie voulue par David Teysseyre recrée l'espace à la fois intime et universel où se livre la tragique bataille humaine dans une animation cinématographique syncopée sous la musique sélectionnée par Benjamin Civil qui nous transporte de l'Afrique à l'Amérique avec la trompette de Miles Davis.

La lumière de Vincent Lemoine découpe l'espace scénique en tableaux filmiques qui propose au spectateur les différents plans du jeu dramatique.

Un conseil : Allez voir cette pièce dès le début du festival, gageons qu'elle sera très vite complète !

Pensez à réserver !



Fanny Inesta



De Grégoire Aubert

Avec Marie Ronarc'h et Jean David Stepler

Mise en scène : David Tesseyre

Lumières : Vincent Lemoine

Musiques sélectionnées : Benjamin Civi

Crédit Photos: Fabrice Sabre

  

OPTIMIST (THÉÂTRE L')


50 rue Guillaume Puy

84000 - Avignon -


du 7 au 31 juillet - Relâches : 13, 20, 27 juillet


à 13h45

Imaginez-vous une rade improbable quelque part, dans une ville portuaire ou dans une banlieue quelconque.

Le taulier, à la fin de la nuit, essuie vaguement quelques verres et une table et vide, consciencieusement des bouteilles encore remplies.

Le temps est maussade, lui aussi, perdu dans les brumes de ses mémoires lointaines.

Il soliloque dans sa tête lorsque, soudainement, une belle et jeune femme entre en trombe pour s’abriter des pluies et des tempêtes dehors et dans sa tête.

Commence alors un dialogue entre deux êtres que tout sépare et qui se rapprochent, tout en, douceur sur fond de méfiances, de colères refrénées et de souvenirs enfouis aux tréfonds du cerveau.

Des dialogues magistraux, portés par Marie Ronarch’ et Jean-David Stepler que tout sépare dans ce sens où Jean-David est déjà un vieux routier de la scène et Marie une vraie débutante au théâtre.  Mais qui, en continuant de la sorte, aura sa voie toute tracée.

Grâce également par une mise en scène impeccable de David Teysseyre et la mise en lumière par Vincent Lemoine, la bande son étant concocté par Benjamin Civil et je voudrais souligner que les déplacements des quelques meubles, éléments de décor indispensables, permettent, à chaque fois, de changer d’atmosphère.

Le texte, écrit par Grégoire Aubert, ce jeune homme dont j’ai déjà parlé ailleurs dans ma critique de Family Circus, est plein d’humanité, de sensibilité et avec beaucoup d’humour et de drôlerie.

Je pourrais même, peut-être dire que le public est confronté à une comédie dramatique ou alors à un drame d’humour ?

En tout cas la Parenthèse du Mimosa est une grande réussite et comme on dit : Vaut le détour !

Peter Barnouw