CARRETERIE (THÉÂTRE DE LA)


101, rue de la carreterie

84000 - Avignon


À 17h30

Durée : 1h20      

du 5 au 28 juillet - Relâches : 9, 16, 23 juillet


Réservations: +33 (0)7 69 71 98 12

+33 (0)4 90 87 39 58

  


Metteuse en scène : Céline Patrizio

Interprète(s) : Caroline Vidal, Guillaume Garrone

Création Lumières : Céline Patrizio

Compositeur de la musique de scène : Guillaume Garrone

  


Entretien avec Caroline Vidal,

Guillaume Garonne

&

Céline Patrizio

Lettre d'une inconnue

Que d' amour !!!!


Quelques notes de piano sur une voix off surgis des l'obscurité, puis une femme entre et se raconte... récit d'une vie.

Enfant elle s'éprend de son voisin un riche écrivain, devenue une très belle jeune fille elle revient sur les lieux de son enfance pour arriver à rencontrer celui qu'elle ne connait pas mais qu'elle aime toujours profondément, intensément. Un soir il l'invite, ils vont passer trois jours ensemble, puis plus rien, il poursuit sa vie de voyages en voyages et de conquêtes en conquêtes.

De ces nuits va naitre un enfant. Pour donner à son fils, fruit de cet amour, l'aisance nécessaire elle va se faire entretenir par des riches individus et garder son indépendance, dans l'espoir qu'un jour il la reconnaisse.

Un fol espoir, une vie consacrée à un être qui ne la voit pas, ne la connait pas.

Un jour elle va lui écrire pour tout lui raconter. Elle est maintenant devenue une femme et elle prend la plume pour écrire son histoire insensée, cet amour absolu. Mais cette lettre est exempte de toute possessivité, elle ne demande rien. Quand cette longue lettre arrive par la poste c'est le jour du quarante et unième anniversaire de l'écrivain. Il n'y a pas la moindre ligne de reproche, aucun ressentiment. Simplement il lui faut dire, il lui faut "raconter" (le mot revient comme un leitmotiv).

On est dans un univers fermé, tout est clos, la voix a pour écho le piano, belle harmonie.

Cette relation d'un amour absolu, d'un amour impossible, d'une quête inouïe est portée par une comédienne investie qui a endossé le personnage avec beaucoup de justesse et de profondeur. Caroline Vidal est poignante, elle nous tient en haleine , nous porte tout le long du récit ….un récit dont on connait l'issue, car les rêves n'appartiennent pas au domaine de la réalité, ils restent des rêves. Ce qui est poignant c'est de voir à quel point elle est investie, poussée par cet amour impossible car uniquement dans sa tête, comment elle va orienter sa vie vers cet homme plus rêve que réel. En contre point le piano sous les doigts agiles de Guillaume Garrone se mêle à la voix, l'enlace … sorte de réponse impossible.

La scène est petite, un écrin dans ce théatre où la proximité nous fait nous intégrer profondément au récit. Nous sommes à ses côtés, derrière son souffle et ses aspirations. Nous assistons impuissants au désastre d'une vie. C'est poignant.le duo voix piano est parfait, tout en harmonie en délicatesse.. un beau spectacle.


Jean Michel Gautier

 Lettre d’une Inconnue est une des nouvelles les plus célèbres du grand écrivain autrichien Stefan Zweig, avec Vingt-quatre heures de la vie d’une femme, La confusion des sentiments, Amok.

Zweig, un des plus grands peintres de la complexité de l’âme humaine et de la passion amoureuse, dans sa dimension extrême et souvent dévastatrice, alliant l’étrange et le morbide ; Zweig pour qui seul le frisson devant des forces nouvelles est susceptible d’élargir notre esprit et d’accroître notre sensibilité.

Autant dire que cette nouvelle a très souvent été jouée au théâtre et qu’une énième adaptation de ce très beau texte n’était pas en soi évidente. C’est pourtant ce que réussit parfaitement Céline Patrizio, qui met en scène cette pièce au Théâtre de la Carrèterie interprétée par Caroline Vidal et Guillaume Garrone.


L’histoire ?

Un romancier à la mode, R…, découvre le jour de ses quarante et un an, dans son courrier, une longue lettre d’une vingtaine de pages. Une lettre rédigée à la hâte, une écriture agitée de femme, une sorte de manuscrit plutôt qu’une lettre à proprement parler.

« C’est à toi seul que je veux m’adresser ; c’est à toi que, pour la première fois, je dirai tout ; tu connaîtras toute ma vie, qui a toujours été à toi et dont tu n’as jamais rien su. » Intrigué, il en entreprend la lecture qui le mènera de surprise en surprise.

S’ensuit la chronique vibrante d’un amour fou dans laquelle l’Inconnue interpelle l’homme de sa vie : une sorte de confidence crépusculaire à l’état pur, d’une rare puissance émotionnelle ; une passion présentant des aspects délirants, obsessionnels, ainsi qu’une tendance fatale à l’autodestruction, malgré d’immenses élans de tendresse pure.


Le spectacle et son originalité ?


Caroline Vidal déclame la lettre dans une interprétation sensible et touchante, juste et profonde. Elle incarne parfaitement l’Inconnue qui narre l’histoire et le désastre de sa vie, sans pathos déplacé. Sa parole est musicale.

Elle concorde en tous points avec les notes du piano de Guillaume Garrone. Il faut en effet savoir que les mélodies des morceaux accompagnant certains passages et créés pour l’occasion sont tirées de la voix de la comédienne, dont les notes de chaque syllabe ont d’abord été transcrites avant d’être harmonisées.


Guillaume Garrone n’est d’ailleurs pas seulement le pianiste. Sans qu’il prenne pourtant jamais la parole, chacun peut voir en lui le romancier envers lequel l’Inconnue a brûlé d’une passion tout autant irraisonnée qu’inconditionnelle.


L’homme qui se tait nous fait ainsi profondément sentir la présence de l’écrivain, obsédante !


La création lumière et la mise en scène du spectacle sont orchestrées avec brio par Céline Patrizio.


Lettre d’une Inconnue s’achève par ces mots : « il eut pour l’amante invisible une pensée aussi immatérielle et aussi passionnée que pour une musique lointaine. »

La musique, encore, toujours la musique…du piano, des mots, de l’amour !



Fabrice Glockner