LUNA (THÉÂTRE LA)


1 rue Séverine

84000 - Avignon -

Nom de la salle : Salle 1


à 16h10 : du 5 au 28 juillet - Relâches : 9, 16, 23 juillet

 

Réservations: +33 (0)4 90 86 96 28



Au décès de leur mère, ses quatre enfants se retrouvent : Tim, l’aîné, un écrivain à succès homosexuel qui vient de se faire larguer par texto ; Gwlad, intérimaire dans une société de radiophonie ; Gwenn, d’assez mauvais genre, vulgaire et parfois à la limite de l’hystérie qui s’est occupée de leur mère jusqu’à son décès ; Tom qui travaille à la SNCF et revendique fermement son droit de grève et la tradition de balancer des pavés sur les CRS !

Durant quatre jours, ils organisent l’enterrement de leur mère, et tentent de revivre ensemble, comme au temps de leur enfance, bien que leurs liens familiaux se soient distendus depuis de nombreuses années.

Après l’achat d’un cercueil chez Leclerc (le moins cher du marché !), ressurgira  vite ce qui semblait digéré ou dissipé : les douleurs anciennes, les non-dits, les différences de condition sociale, les petites rancunes, la jalousie (« il y a toujours une bonne raison d’être jaloux ! », dit l’un des personnages), ainsi que des souvenirs attendris ou joyeux.

Surviendront des dissensions sur le partage des affaires de la défunte ; les deux sœurs tenteront d’emporter en cachette : ménagères, torchons, serviettes, télévision ou même saphir, ce qui renvoie évidemment certains spectateurs à un vécu personnel. Un certain nombre de situations quelque peu absurdes se produiront.


On retiendra cet échange, révélateur de la tonalité cynique de la pièce :

Ou ce propos tenu par une des sœurs : « j’ai posté sur Face Book « Maman est morte, et j’ai obtenu 23 likes ! »


A noter, ces considérations sur le rôle de l’écrivain, à qui il est reproché d’être une sorte de vampire, qui se serait servi dans son roman, Pertes et Profits, de sa vie en famille guère épanouissante dans une petite ville de province puant la médiocrité, pour se faire de l’argent sur le dos de ses frères et sœurs, et sur leurs petites misères : « tu as raconté ton enfance. Mais c’était notre enfance. Tu aurais dû demander la permission !. »


On imagine aisément que chacun rentrera chez soi à l’issue de l’enterrement, et que leurs relations s’éteindront complètement, une fois enterrée celle qui, d’une certaine manière, leur permettait de conserver un semblant de lien.


Cette pièce éveille chez le spectateur un certain nombre d’interrogations. Comment et pourquoi des enfants éduqués dans des conditions similaires peuvent-ils former des adultes si dissemblables à tous les sens du terme ? Pourquoi existe-t-il une telle fatalité de l’incompréhension, même au sein de familles que l’on croyait unies par des liens du sang inébranlables ; et pourquoi des souvenirs partagés ne suffisent-ils pas à maintenir de bonnes relations au sein d’une fratrie, et ne prémunissent-ils pas contre les aléas de l’existence ?

Et si la notion de famille était de plus en plus une illusion, à l’heure de l’individualisme forcené et du chacun pour soi ? Ne serait-elle donc pas définitivement détestable ? N’y aurait-il donc pas toujours une raison de la haïr, soit en tant que « foyer clos, porte refermée, possession jalouse du bonheur », selon les termes d’André Gide, soit en tant qu’illusion dudit bonheur, ce qui serait encore pire, et même, pêché irrémissible !


Oh Maman, c’est un texte de Stéphane Guérin, féroce et drôle, qui véhicule une vision sombre de la famille ; Stéphane Guérin dont l’on pourra apprécier le même cynisme glaçant dans une autre pièce, Comment ça va ?, au théâtre de La Luna.

Oh Maman !, c’est un très beau et très étonnant spectacle,

Excellemment interprété par Garance Bocobza, Grégory-Antoine Magana, Alysson Paradis, Guillaume Sentou, tous les quatre très convaincants, portés par une belle énergie et criants de vérité dans leurs rôles de frères et sœurs contraints de se retrouver pour l’enterrement de leur mère,

Une mise en scène très réussie d’Hélène Zidi.



 

Fabrice GLOCKNER



Avec Marie-Hélène Pinon aux lumières, Chouchane Abello-Tcherpachian Catherine Bluwal à la scénographie, une musique originale de Raphaël Sanchez et Mathieu Le Cuffec à la régie générale.