En fermant les yeux très fort, en oubliant les plantes vertes et les ballons du décor de la salle des sports de Tosse, on imagine bien Clint Eastwood débouler et dégommer la rangée de chaises en plastique orange. Ah, la puissance évocatrice d'un air d'Ennio Morricone avec ce sifflement qui vous emporte à grands galops dans la poussière des terres arides. Si le grand Clint ne fait plus dans le cheval, le siffleur des films de Sergio Leone, lui, siffle toujours. Depuis qu'il a 12 ans, Curro Savoy n'a quasiment jamais arrêté, de concerts en radios, de films en spots publicitaires. De Chanel à Tosse.

 Il a à peine 12 ans. Les temps sont durs dans la ville d'Andujar (province espagnole de Jaén). Sa mère tire le diable par la queue. Il décide alors de s'inscrire à un radio-crochet pour gagner un peu d'argent. En une semaine, un cousin lui apprend deux accords de guitare. Sur scène, le petit Curro se lance dans une chanson d'Elvis Presley. Au moment où il sèche à la guitare, il improvise en sifflant. Succès total. Jolie histoire que l'on retrouve dans sa biographie en forme de success story sur sosite Internet. Un manager avisé s'assure de son exclusivité pour lui faire enregistrer des musiques de film quasiment à la chaîne. Curro confie sa naïveté d'alors. Il ne signe aucun contrat. « Mon nom ne figure pas sur les génériques. » En résumé, l'impresario se fait une petite fortune sur le dos de Curro qui se fait siffler le plus gros de la recette. « Mais, à l'époque, ce que je gagnais pour moi, c'était déjà beaucoup. J'apportais tout à ma mère. »

Depuis Kurt a appris. Son épouse Clarita - pas Carlita -, son agent aussi, veille au grain. Curro a même assuré sa bouche : 420 000 euros. Son épouse explique qu'un dentiste a moulé son exacte dentition au cas où il lui arriverait un problème. « Siffler c'est sa vie ! » Le roi des siffleurs enchaîne les dates avec une sorte de boulimie : dimanche à Tosse, aujourd'hui à Luchon, après-demain sur la Côte d'Azur, puis l'Espagne.

Discret et modeste, sa casquette noire enfoncée sur les yeux, Curro Savoy n'aspire pas à franchir le rideau du studio derrière lequel il enregistre pour rencontrer les stars dans la lumière des films. Il a reçu un jour une lettre de Presley, rencontré Paul Anka, s'est lié d'amitié avec Francis Lalanne. C'est éclectique mais cela lui suffit.

Lui est tout aussi fier de vous siffler le spot publicitaire pour SFR ou Renault que de croiser Depardieu à la présentation de « Potiche ». Il reste toutefois marqué par lréalisation du film publicitaire signé Jean-Paul Goude pour Chanel, et son budget hallucinant. Goude l'a préféré à quatre autres siffleurs qu'il avait sélectionnés, dont Micheline Dax, en l'entendant au téléphone lui siffler son propre arrangement. Le réalisateur l'a fait venir pour cinq heures d'enregistrement à Paris dans la journée alors que Curro se trouvait dans le Sud-Est. Mais cela le vaut bien pour faire le rossignol entre les lèvres de Vanessa Paradis, non ? « Mon plus ? » commente-t-il. « C'est tout ce que je mets dans le sifflement. Mon cœur. Tu peux avoir un beau piano et ne pas être un interprète exceptionnel… »

Curro Savoy chante, siffle, chante, siffle. Les critiques l'ont qualifié d'extraordinaire, magnifique, subjuguant, son rythme et sa voix, sa musique électrocutante, il compose, fait ses arrangements

musicaux, s'accompagne avec sa guitare, qu'il connaît comme sa seconde peau, et lui arrache toute sa beauté.

Quand il siffle, avec ses prodigieuses facultés, le temps passe, le cinéma le réclame, une, deux, souvent! tout est merveilleux! Quelle perfection! le public croit que c'est du bluff, mais

non, il n'y a aucun truc, il est unique, c'est le seul chanteur capable de faire six tons en sifflant.

il chante, siffle, chante, siffle,...